Les ports en Afrique: accélérer la mutation
Pour la deuxième année consécutive, l’AFRICA CEO FORUM et le cabinet de conseil en stratégie et en finance OKAN publient leur rapport sur la logistique africaine. L’édition de cette année intitulée “Les ports en Afrique: accélérer la mutation” dresse un tableau des forces et faiblesses du secteur tout en proposant une liste de 6 recommandations à même de transformer les hubs africains en géants mondiaux.
La crise du Covid a entraîné de nombreux bouleversements dans le secteur du transport et de la logistique. Sans doute l’un des plus significatifs, la réduction des flux commerciaux, se matérialise par une baisse du trafic de l’ordre de 30 % à 40 % pour certains ports africains.
Ces vents mauvais surviennent alors que le continent observe depuis deux décennies un accroissement sans précédent des investissements et de la compétitivité dans son secteur portuaire. De 1,2 Mds USD entre 1990 et 2004, les investissements privés dans le secteur portuaire en Afrique ont été multipliés par 13 pour atteindre 15,2 Mds USD entre 2005 et 2019 (1er semestre)..
Ces différents investissements ont permis à de nombreux ports africains d’accroître leurs capacités de traitement, de moderniser leurs infrastructures et par-là même de monter en grade (Tanger Med, Port de Djibouti,…) en se positionnant comme des acteurs de premier plan. C’est le cas notamment de Tanger Med qui a connu une ascension fulgurante, passant en dix ans du 105ème au 25ème rang mondial en matière de connectivité.
Ces “success stories”, bien que encourageantes, ne doivent cependant pas masquer les problèmes structuraux du secteur : déficit infrastructurel, coût élevé des opérations, mobilisation et diversification des investissements… Le rapport produit par l’AFRICA CEO FORUM en partenariat avec OKAN propose six recommandations qui permettraient de les résoudre et de moderniser de façon décisive la logistique portuaire africaine.
Recommandations 1 et 2 : investir intelligemment pour mettre fin au cercle vicieux des inefficiences opérationnelles
Malgré la hausse des investissements, le secteur portuaire africain tarde encore à se moderniser. Les raisons sont multiples: mauvaise structuration des projets, manque de progressivité dans les investissements, inadéquation des solutions apportées aux problèmes… Pour y remédier, le premier objectif à poursuivre est d’identifier et d’éliminer les principaux goulots d’étranglement. En investissant par exemple dans la modernisation des infrastructures déjà existantes comme l’a réalisé le Port autonome de Dakar qui a développé un dispositif composé d’un parking de 400-500 places dont les travaux ont pris fin en décembre 2019 et d’une plateforme informatique Vehicule Booking System pour la gestion des flux de camions. Une seconde solution est de recourir à l’usage de nouvelles technologies comme le Port Call Optimisation et à l’automatisation des tâches pour fluidifier les opérations. Ce type d’outils permettra à terme de lutter contre les inefficiences coûteuses et la complexité des opérations portuaires.
Recommandations 3 et 4 : mobilisation des acteurs privés
Alors que les Etats africains observeront une récession économique pour la première fois depuis vingt-cinq ans, les partenariats public-privé apparaissent comme une source de financement particulièrement adéquate. Le rapport en fait sa troisième recommandation. Cependant, l’implication des acteurs privés ne se fera qu’à la condition de réforme ambitieuse en matière de gouvernance comme l’établissement de feuilles de route claires, la définition précise du rôle des parties prenantes et surtout la mise en place de cadres juridiques stables et transparents. Le modèle marocain du Landlord port, qui répond parfaitement à toutes ces exigences, pourrait à ce titre servir d’exemple.
Recommandations 5 et 6 : fluidification, connectivité et diversification
Pour booster la compétitivité de son secteur portuaire, la fluidification des interactions port-ville et l’amélioration de la connectivité avec l’hinterland sont essentielles. En effet, l’urbanisation accélérée des villes africaines entraîne des problèmes de congestions autour des différents ports. Il faut par exemple deux heures pour aller de Kribi à Douala, mais aussi deux heures de plus pour rentrer dans la ville de Douala. Une des solutions préconisées ici est le développement de corridors logistiques multimodaux (transport routier, ferroviaire et fluvial). Ceux-ci offriraient une meilleure connection ports/territoires intérieures et réduiraient d’autant le coût des opérations.
La dernière recommandation du rapport porte sur la modernisation de l’activité non-conteneur pour assurer le plein développement du continent. A lui seul, l’activité conteneur ne peut satisfaire les besoins d’une Afrique dont les ressources naturelles immenses nécessitent des infrastructures spécifiques afin d’être exportées. Dès lors, explorer d’autres solutions telles que les terminaux vraquiers, ou encore les rouliers-céréaliers permettrait de diversifier les échanges et de transformer les économies vers des modèles plus résilients et moins dépendants. A titre illustratif, la construction du terminal minéralier de Saldanha en Afrique du Sud, a eut pour effet de multiplier les exportations sud-africaines de fer par presque 3 depuis 2005.