Productivité en riz dans la vallée du fleuve : Les ‘’majors’’ de la riziculture indiquent la voie à suivre

Ils ont eu foi à la riziculture et ont investi des ressources financières consistantes sur la chaîne de valeur riz dans la vallée du fleuve. Les responsables de ces entités qui ont leur siège à Rosso Sénégal, rencontrés dans le courant du mois de novembre 2020, retracent leurs trajectoires dans la production du riz et fixent les orientations pour améliorer davantage la productivité rizicole dans une perspective d’autosuffisance en riz.

Qu’il s’agisse de l’entreprise Mbodji & Frères, de la  société Coumba Nor Thiam (CNT) ou de l’entité industrielle ‘’Naxadi Dérét’’ ; elles ont réussi à mettre en branle des « fabriques » industrielles dans la production de riz à Rosso Sénégal. Pourtant, ces entités créées par des natifs de la bourgade de Rosso Sénégal, ont rampé avant une certaine éclaircie dans la production de riz dans la vallée. Comme pour dire qu’il y a de une  vie  économique dans la vallée du fleuve, le président de la société Coumba Nor Thiam, Ibrahima Sall  dira, d’emblée, que les jeunes du Walo ne sont pas emballés par  l’émigration clandestine, car ils peuvent gagner leur vie sur place. Ibrahima Sall, originaire de Thiagar, dans la commune de Ronkh, a créé son entité dans le riz en 1987. Auparavant employé à  la Compagnie Sucrière sénégalaise (CSS),  il démissionna en 1986 pour se lancer dans la riziculture. «  Après l’arrêt de la SAED dans la collecte et la transformation du paddy en 1990, j’ai été la seule personne à reprendre le flambeau et exercer les mêmes activités », déclare le président Sall. Il poursuit pour dire « j’ai commencé sur 300 hectares pour atteindre aujourd’hui, 7.000 hectares de superficie annuelle dans la riziculture ». Dans  sa démarche, la société CNT pratique la riziculture sur ses propres périmètres, mais, aussi,  finance des milliers de  petits producteurs, en leur donnant les intrants, les semences et ils  remboursent après les récoltes avec du riz de paddy. Ainsi, dans les détails, Ibrahima Sall confie faire la production de riz sur 1000 hectares de superficie et travaille en partenariat avec des petits producteurs sur 6000 hectares, ce qui donne au total une production annuelle de paddy de plus 35.000 tonnes.  D’après lui, sa structure est bien équipée en moissonneuses batteuses et autres tracteurs agricoles pour aider les petits producteurs. 

Accompagnement des petits producteurs de riz

Dans le même sillage, le GIE Mbodji & Frère fondé en 1996, par Cheikh Omar Mbodji, excelle aussi bien dans la culture, la transformation et la commercialisation du riz dans la vallée du fleuve. Selon  Alioune Mbodji, responsable administratif et financier,  les petits producteurs ont confiance au GIE Mbodji & Frères et dans le lot, il y en a certains qui ne peuvent pas accéder à la banque ou préfèrent collaborer avec notre entité.  Pour la contre-saison 2020, ils sont au nombre de 724 petits producteurs (GIE et autres sociétés individuelles) à travailler avec nous, renseigne Alioune Mbodji.  Nous intervenons dans 13 villages sur les quatre communes du département de Dagana et dans notre partenariat  avec les petits producteurs pour la contre-saison 2020, il porte sur 4.669 hectares et 608 hectares pour la campagne hivernale, informe Alioune Mbodji.  Nous donnons les intrants aux petits producteurs et après les récoltes, le remboursement se fait en riz de paddy. Notre capacité tourne autour de 9.000 tonnes par an qui concerne la production du GIE et 11.000 tonnes de paddy pour 2020,  que nous avons  consolidée auprès des petits producteurs, explique Alioune Mbodji. Selon lui,  le GIE Mbodji & Frères qui a acquis une unité de décorticage du riz depuis 2015, tourne pendant toute l’année et commerciale pendant toute l’année. On a que  quinze jours de flottement consacré à l’entretien général de notre unité de décorticage du riz, souligne le responsable administratif et financier du GIE Mbodji & Frères. Ce dernier déclare collaborer sur la base de sa confiance avec les petits producteurs, mais aussi,  sécurise par la signature de lettres d’engagement assorties de garantie. Pour sa part, Oumar Diallo, qui est dans la riziculture depuis 1989 et qui commercialise le riz actuellement sous le label ‘’Diawel production’’, travaille en partenariat avec des petits producteurs. Le responsable de l’établissement agro-industriel ‘‘Naxadi Dérét’’,  qui, à ses débuts, vendait le paddy aux particuliers,  a investi en 2013 dans l’achat d’une unité de décorticage du riz pour étendre ses activités. En moyenne, ma production annuelle se chiffre entre 2000 et 3000 tonnes ; il peut arriver qu’on atteigne les 5000 tonnes de paddy, révèle Oumar Diallo. Par ailleurs, il soutient que depuis 2019, le constat est que les rendements baissent, car la moyenne pouvait aller jusqu’à 8 tonnes/hectare. La SAED, l’ISRA et les DRDR  doivent chercher le pourquoi et proposer des alternatives, assène Oumar Diallo. Il soutient que la campagne  2020 a été la plus mauvaise des saisons, la contre-saison et la campagne hivernale ont été désastreuses et  beaucoup de producteurs n’ont pas pu tirer leur épingle du jeu sur les deux campagnes. De l’avis de Oumar Diallo, il faut que les experts en charge de la riziculture dans la vallée discutent avec  les concernés, c’est-à-dire avec les producteurs. La SAED est l’intermédiaire entre l’Etat et les producteurs, mais elle ne règle pas les écueils  dans la riziculture.  Des milliards sont confiés à la SAED et les contraintes dans la riziculture (réfection des aménagements, salinité des périmètres  et  drainage de l’eau…) sont toujours récurrentes, regrette-t-il. 

Correctifs pour une bonne posture de la riziculture dans la vallée

A en croire Alioune Mbodji, L’Etat du Sénégal a fait des efforts dans l’acquisition de matériels agricoles pour les acteurs de la riziculture. Notre GIE a bénéficié de tracteurs et de moissonneuses batteuses subventionnés par l’Etat du Sénégal à travers la SAED, reconnaît-il. Revenant sur le partenariat de sa structure avec les petits producteurs, Alioune Mbodji déclare qu’en dehors  de La Banque agricole (LBA), le GIE Mbodji & Frères est le 2ème ‘’financier’’ dans la production dans le département de Dagana, et que pour la contre-saison une enveloppe de 1,2 milliards de FCFA a été mobilisée. « L’Etat doit nous appuyer et nous renforcer car dans les crédits que nous accordons aux petits producteurs, le remboursement n’est pas effectif à 100%,  et on a des impayés qui frôlent le milliard de FCFA », révèle le responsable administratif et financier du GIE Mbodji & Frères. Par ailleurs, lui aussi est d’avis que sur les deux campagnes de 2020, les récoltes sont en-deçà des attentes. Pour Alioune Mbodji,  les oiseaux, insectes et autres rongeurs font des dégâts sur une bonne part des cultures avant les récoltes. Il ajoute que l’Etat  doit faire des efforts sur les herbes qui envahissent les périmètres irrigués, et  régler de façon pérenne ces contraintes, sinon, il sera très difficile d’atteindre l’autosuffisance en riz.  Il pense que l’Etat doit sécuriser  la riziculture et ceci dans les meilleurs délais, en mobilisant ses services de recherche contre les herbes sauvages qui envahissent les superficies agricoles, ainsi que les prédateurs  (oiseaux, insectes),  afin d’éviter les baisses de rendement. Parlant des recommandations sur la riziculture, il plaide pour une augmentation des superficies aménagées dans la vallée, revisiter le capital semencier et aller vers de nouvelles  variétés de semences  plus résistantes au sel et au froid, car la salinité a fini d’envahir les périmètres irrigués.  S’agissant des mesures annoncées par le gouvernement, sur la Relance de l’économie, Alioune Mbodji estime que l’Etat doit matérialiser sa promesse de supprimer la prime fixe sur l’électricité et confie que le GIE Mbodji & Frères paie entre 500.000 à 600.000 FCFA de prime fixe mensuelle sur l’électricité. 

Poser des actes en perspectives de l’autosuffisance en riz

Le président de CNT considère que le débat aujourd’hui, ne devrait pas se situer sur l’atteinte ou non de l’autosuffisance en riz. On devrait vraiment dépasser ce stade à l’heure actuelle, car  les terres et l’eau sont disponibles dans la vallée, campe Ibrahima Sall. Les acteurs ont maintenant de l’expérience dans la culture du riz au Sénégal, et  l’Etat doit échanger avec les véritables acteurs de la riziculture au Sénégal, renchérit le président de CNT.  On m’invite en Afrique du Sud, au Brésil sur la chaîne de valeur riz et à Kigali tout récemment avant la première vague de la Covid-19, à cause de mon expérience dans la riziculture, confie modestement Ibrahima Sall. Ce dernier fait le constat selon lequel,  si le Sénégal n’a pas atteint l’autosuffisance en riz, c’est parce qu’il n’y a pas de volonté politique pour accompagner cette dynamique. Il faut des moyens conséquents pour atteindre cet objectif. La riziculture se fait selon des normes (aménagements avec des canaux de drainage profonds, pistes d’accès). Aujourd’hui, beaucoup de périmètres sont infectés avec la salinité des sols, et qu’il faut  penser à réfectionner l’existant, décrit Ibrahima Sall. Il plaide pour que l’Etat du Sénégal investisse dans la recherche, qui puisse permettre de dépasser les rendements actuels de 5,5 tonnes à l’hectare dans la vallée,  et atteindre les rendements comme dans les pays asiatiques. 

El Hadji Sady NDIAYE

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