Aboubacar Sedikh BEYE, Directeur Général du PAD « La levée des contraintes vis-à-vis du secteur privé national  permettra  de booster la transformation structurelle  de l’économie sénégalaise, en plus de l’application de la loi sur le contenu local »

C’est un consortium de privés sénégalais, notamment le groupe ATOS, le groupe Consortium Sénégalais d’Investissement (COSNI) et Senegal Supply Base (SSB), qui vont construire la concession portuaire du Terminal de support logistique aux activités pétrolières et gazières. Dans cet entretien, le Directeur Général du Port Autonome de Dakar (PAD) revient sur ce projet d’envergure attribué au secteur  privé national,  son impact sur les activités portuaires et les alternatives pour une meilleure participation du privé national dans les grands projets de l’Etat.

 

L’Etat a attribué la concession portuaire du Terminal support logistique aux activités pétrolières et gazières à des membres du secteur privé national. Quelle appréciation en faites-vous ?

Le processus de sélection des opérateurs est à saluer. Pour rappel, le Port Autonome de Dakar (PAD), conformément à la réglementation et aux procédures, avait lancé un appel d’offres international précisant toutes les conditions à remplir relatives aux sûretés et clauses, capacités financières et techniques, etc. En réponse, sept (07) groupements d’entreprises ont eu à manifester leur intérêt en soumissionnant sous forme de groupements entre privés nationaux et étrangers. Il faut savoir que les investissements à réaliser sont lourds et nécessitent une expertise de très haut niveau. Toutefois, les récentes découvertes pétrolières et gazeuses attirent divers pays et investisseurs privés. Et il est heureux que des privés nationaux se soient mobilisés pour répondre à cet appel d’offres, prouvant ainsi leur capacité à satisfaire les conditions requises et à nouer des alliances stratégiques nécessaires à la réalisation des investissements et de l’exploitation d’une concession de cette nature.  

Quelle sera la valeur ajoutée de ce Terminal de support logistique pour l’exploitation des ressources d’hydrocarbures au Sénégal ? 

La valeur ajoutée de ce terminal  sera une contribution significative au développement de la chaîne de valeur gazière au Sénégal et dans la sous-région. Par ailleurs, la mise en cohérence de l’ensemble des activités logistiques pour l’exploitation des plateformes pétrolières sur un seul point, permet d’optimiser les rendements, d’impliquer le secteur privé national afin que le port augmente dans un court, moyen et long  terme  ses performances.

Quelles sont les différentes composantes de ce Terminal au PAD ? 

Ce terminal est un point logistique de soutien qui s’étend sur une superficie de trois (03) hectares pour l’acheminement et le débarquement  du matériel et du personnel des plateformes pétrolières et gazières offshores. Parce que les plateformes sont des villes vivantes avec des activités continues, elles auront besoin de certains services. Donc tout ce qui est avitaillement, équipements, superstructures, bunker et hydrocarbures partira de la base vers les plateformes. 

Quel est l’état de réalisation du projet et l’enveloppe financière mobilisée par le secteur privé Sénégalais dans le cadre de ce projet ?

Le processus a pris du temps, mais les enjeux en valaient l’attente. Les deux conventions sont signées et entrées en vigueur. Les travaux ont démarré avec une enveloppe financière de dix milliards (10.000.000.000) de FCFA pour les cinq (05) premières années d’investissement.

Quels sont les principaux défis auxquels le secteur privé national faisait face dans le cadre de ce projet ? 

Le défi était de trouver l’investissement pour mettre en place un consortium 100% sénégalais, afin d’opérer la base logistique pétrolière et le terminal de gaz liquéfié auquel pourra accéder tout type de navire en escale à Dakar. Ce qui a été une opportunité pour le  patronat sénégalais de jouer davantage son rôle dans la création d’emplois.

Quelles sont les autres stratégies à mettre en œuvre pour une meilleure participation du secteur privé national dans les grands projets de l’Etat ? 

D’abord, il faut préciser que le gouvernement a placé le secteur privé au cœur de la phase II du PSE, démontrant toute sa confiance et son savoir-faire. L’Etat accorde la priorité au  secteur privé national dans les projets stratégiques de grande envergure, en leur facilitant l’accès aux marchés,  en révisant  la fiscalité et  en assouplissant les taxes. Il doit également leur faciliter l’accès aux financements à travers les banques nationales, revoir à la hausse le niveau de l’actionnariat dans les joint- ventures et la bonne gouvernance.

La levée des contraintes vis-à-vis du secteur privé national  permettra  de booster la transformation structurelle  de l’économie sénégalaise, en plus de l’application de la loi sur le contenu local. En effet, la loi N° 201904 du 1er février 2019 sur le contenu local stipule que l’utilisation de la main d’œuvre locale et la participation des entreprises nationales aux activités pétrolières et gazières ne peuvent être optimales que si les défis liés à la faiblesse des capacités techniques, technologiques et économiques des entreprises locales et ceux à la qualification professionnelle de la main d’œuvre sont relevés.  Cette loi dégage un cadre juridique permettant de promouvoir l’utilisation des biens et services nationaux ainsi que le développement de la participation de la maind’œuvre, des technologies et des capitaux locaux dans toute la chaîne de valeur de l’industrie pétrolière et gazière.

Des caissons étaient en construction au Port de Dakar. Quelle est leur utilité et quel est l’état d’avancement de leur réalisation ?

Les caissons fabriqués au Port de Dakar doivent constituer le brise- lame en mer devant protéger de la houle le terminal offshore d’exportation du GNL de BP tortue qui sera construit à la frontière Sénégalo-Mauritanienne. Cet ouvrage doit être constitué de 21 caissons qui vont être remorqués vers le site du projet. A ce jour 11 caissons ont été entièrement confectionnés sur le site du PAD. 

Ce projet a permis de gagner de l’espace en mer sur une superficie de 12 hectares, située à l’arrière du môle 8 du port de Dakar. Une fois l’exploitation terminée,  la surface remblayée sera  retournée au PAD, et destinée à d’autres utilisations industrielles et commerciales 

Le Port Autonome de Dakar (PAD), à l’instar des autres entités économiques, a subi des répercussions néfastes de la pandémie de la Covid-19. Quels ont été les mécanismes déployés pour résister à l’impact de la pandémie et aujourd’hui,  dans le cadre de la relance, quelles sont les orientations envisagées ?

La pandémie de la Covid-19 a secoué le monde entier dans ses fondamentaux et cela conduit à un risque réel de récession mondiale. Elle continue de susciter une inquiétude à travers le monde et l’Afrique et le Sénégal ne sont guère épargnés. D’ailleurs, elle a impacté de manière significative l’activité portuaire du fait des mesures de fermeture des frontières. 

Toutefois, il est apparu plus que jamais nécessaire de préserver le dynamisme des chaînes logistiques aussi bien pour les pays avec littoral que leur hinterland. En ce sens, la Direction Générale   a décidé de mettre en place un plan de contingence plus rigoureux qui tourne autour de mesures suivantes face à la recrudescence des cas positifs à la Covid-19 liées à la 3ème vague. Il s’agit notamment d’un réaménagement temporaire des horaires de travail en rapport avec la Direction des ressources humaines, d’une conservation du personnel minima pour les structures à forte concentration humaine, de la favorisation du télétravail et des call-conférences, de la transmission et traitement du courrier via un logiciel du nom de Maarch courrier, de la restriction des visites privées et des réunions non indispensables, de la systématisation du travail de sensibilisation par le médecin d’entreprise et enfin de l’appropriation du dispositif de communication de crise mis en place dans le cadre d’une démarche qualité sur le portail intranet du PAD. 

Par ailleurs, au niveau des terminaux spécialisés, les process étant automatisés,  les opérations se déroulent normalement. Sur les autres terminaux notamment celui céréalier, grâce à une coordination efficace entre les services portuaires, douaniers et les bureaux de main d’œuvre portuaire. Ainsi, le chargement et le convoiement des camions sont réalisés dans les conditions de sécurité optimales. 

Malgré un contexte peu favorable, le port de Dakar a fait montre d’une certaine résilience face à cette crise, qui s’est matérialisée par de bons résultats financiers arrêtés au 31 décembre 2020 dégageant un bénéfice net de plus de 10,56 milliards de FCFA après paiement de plus de 3 milliards en impôts.

Au cours de l’exercice 2020, le trafic  global de marchandises (embarquements + débarquements) s’établissait à 19,3 millions de tonnes, en baisse de 2% par rapport à 2019, légèrement impacté par les conséquences de la pandémie Covid-19 ; contrairement au transit malien qui affiche un fléchissement de 36%. Toutefois,  le futur port de Ndayane offre une belle opportunité de relance post-Covid 19. Il va constituer un véritable pôle d’attraction qui va attirer un grand nombre d’investisseurs étrangers et contribuer ainsi à la création d’emplois pour les jeunes. De nouvelles opportunités commerciales qui entraineront une diversification économique dans plusieurs domaines (transformation industrielle, technologie, unités pharmaceutiques, etc.) et vont participer à la résorption du déficit de la balance commerciale.

Entretien réalisé par El Hadji Sady NDIAYE

Related post