Développement de la filière avicole : Les grosses attentes des petits aviculteurs de Malika 

Les membres de l’Association des Petits Aviculteurs de Malika (APAM) nourrissent de grandes ambitions pour le développement de la filière avicole. Seulement, le chemin de leur business est parsemé d’embûches. Confrontés à la cherté des coûts de production (aliment de volaille, poussin d’un jour, sac de copeau . . .), à l’urbanisation galopante ainsi qu’au déficit de formation, d’accompagnent et de financement, Abdoulaye Marone, le président de l’APAM et ses camarades formulent de grosses attentes vis-à-vis de l’Etat. 

« L’essentiel de la production avicole à Malika est assuré par les petits producteurs. Nous avons l’ambition de devenir de grands producteurs », renseigne Abdoulaye Marone, président de l’Association des Petits Aviculteurs de Malika, une localité située dans le nouveau Département de Keur Massar. Cependant, ces acteurs sont confrontés à plusieurs contraintes qui plombent leurs activités économiques.   « Le secteur est malade. Tout est cher », se plaint notre interlocuteur. Pour corroborer ses propos, il souligne que le poussin d’un jour coûte aujourd’hui environ 500 FCFA, contre 300 à 320 FCFA, il y a 10 ans. Cet intrant a, par conséquent, connu une forte hausse ces dernières années. En outre, « l’aliment de volaille coûte également cher ». Le prix a d’ailleurs augmenté à plusieurs reprises en une année, selon lui. Même le sac de copeau, une matière qui sert de litière aux poulets, est passé de 1.000 F à 2.000 FCFA, annonce-t-il. 

Du plomb aux ailes

Il y a eu toutes ces hausses dans les facteurs de production, alors que le prix du poulet n’augmente pas, informe le président de cette organisation qui est membre de la Fédération des Acteurs de la Filière Avicole (FAFA). « Nous n’avons pas d’accompagnement », avance-t-il. Abdoulaye Marone ajoute que  ce sont donc les acteurs avicoles qui supportent les différentes hausses des prix ; ce qui grève leurs marges bénéficiaires et plombent les ailes de leur business.  Les membres de l’APAM attendent ainsi de la part des autorités étatiques des solutions à la cherté des coûts de production avicole. Les aviculteurs de Malika font aussi face à des difficultés liées à la formation. L’aviculture est aujourd’hui considérée comme une échappatoire, à cause du déficit d’emplois dans le pays, note-t-il.  Ainsi, beaucoup d’acteurs tentent de s’y lancer après avoir réuni le capital  qui n’est pas facile à mobiliser. 

Perte de capital

Seulement, bon nombre d’entre eux y laissent des plumes à cause du déficit de formation et, par conséquent, de maîtrise des normes requises. Il faut une formation pour plus de qualité, pour limiter les pertes de capital et d’investissement.  Les pertes accentuent la pauvreté, avertit-il. Les acteurs ont besoin de formation. « Les autorités ne doivent pas se focaliser seulement sur les sanctions à infliger aux contrevenants », avance M. Marone.  Le président de l’APAM plaide ainsi pour un meilleur accompagnement en faveur des acteurs de la filière avicole. Cela permettra de sauvegarder le capital, de limiter les pertes et de créer des bénéfices. « La formation est la base de l’aviculture. L’élevage de poulets est une activité sensible. C’est volatile à la limite. L’on peut avoir un gain et enregistrer de grosses pertes par la suite parce qu’un virus est apparu et a décimé 90 % du cheptel », argumente l’aviculteur. Dans le secteur avicole, soutient-il, l’on peut passer d’un Sénégalais moyen à un Sénégalais extrêmement pauvre, à cause des pertes que l’on peut subir en un clin d’œil. Il faut donc de la formation. 

Délocaliser la formation

Pour faciliter le renforcement des capacités des acteurs, Abdoulaye Marone invite les autorités à délocaliser les services de formation. Il ne faut pas organiser les séances de formation seulement au CNA (Centre National d’Aviculture) de Mbao. En plus, plaide-t-il, « l’Etat doit protéger les acteurs ». Selon lui, les assureurs ne proposent pas de couverture pour les poulets de chair à cause de la courte durée de vie, soit 45 jours. Par contre, il y a des produits d’assurances pour la couverture des poules pondeuses, mais le président de l’APAM estime que cette prime d’assurance agricole est trop chère par rapport au bénéfice qu’on  pourrait tirer de son élevage. La poussée immobilière dans la Zone des Niayes constitue  un autre casse-tête pour les membres de l’APAM.  « Nous sommes obligés d’élever les poulets dans les zones inondables. Car toutes les zones non-inondables sont transformées en habitations. Il ne reste aux aviculteurs que les zones inondables », déplore notre interlocuteur rencontré à Malika. 

Manque à gagner

En guise d’illustration, il cite son propre exemple. M. Marone avait une bande de 5.000 poulets durant l’hivernage. Mais la nuit du 14 au 15 Août, une forte pluie s’est abattue sur Dakar. Tenaillé par l’anxiété, il ne pouvait pas fermer l’œil. C’est ainsi qu’il a été obligé de prendre des risques : c’est-à-dire sortir la nuit, marcher durant 20 minutes sous la pluie pour aller vérifier son élevage. « Sur place, j’ai trouvé que le poulailler a été complément inondé. Les poulets pataugeaient dans l’eau. La pluie qui est tombée cette nuit m’a causé une lourde perte d’environ 700 poulets qui étaient arrivés à maturité. C’est un gros manque à gagner pour moi, fait-il remarquer. Ainsi, Abdoulaye Marone a fait appel à des amis charretiers pour l’aider à sauver les autres poulets de la bande. Plusieurs autres aviculteurs ont subi le même sort, indique-t-il en ajoutant ceci : « Il n’y a pas de soutien, il n’y a rien ». 

Emergence avicole

Et pourtant au Sénégal, l’aviculture est le seul secteur où le pays peut se vanter d’être autosuffisant, assure-t-il. Depuis la fermeture des frontières, il y a longtemps (en 2005) à cause de la grippe aviaire, le marché est approvisionné en poulets produits par et pour les Sénégalais, explique-t-il. « Le Sénégal est émergent en poulets, se plaît-il à souligner, en soulignant que cet acquis traduit le mérite des aviculteurs locaux.  Pour prouver toujours que l’aviculture a réalisé des prouesses par rapport aux autres secteurs d’activités, il évoque l’importation de moutons, à partir du Mali, du Burkina Faso, etc., durant la fête de Tabaski et d’ovins en provenance du Niger par exemple. Le président de l’APAM excipe aussi de l’ouverture du marché à l’importation de pommes de terre, d’oignons et d’autres spéculations à certaines périodes de l’année pour combler le gap de la production locale. Même s’il peut y avoir des tensions sur le marché du poulet durant les fêtes, l’on peut  se vanter des performances accomplies dans l’aviculture, fait-il observer.

Pérenniser les acquis

« Nous avons atteint l’autosuffisance en poulets au moins à 90 % », souligne Abdoulaye Marone. Il se demande même si l’Etat a pris la pleine mesure des efforts que déploient les aviculteurs locaux qui tiennent à bout de bras la filière. Les réalisations des acteurs depuis la fermeture des frontières doivent pousser les autorités étatiques à accompagner davantage la filière avicole. L’Etat doit constamment appuyer les acteurs pour pérenniser les acquis et développer encore et plus le secteur, estime-t-il. Pour résoudre l’équation liée au foncier, le président de l’APAM demande à l’Etat de réserver des zones de production aux aviculteurs. « Nous avons besoin de zones exclusivement dédiées à l’aviculture. Avec l’urbanisation galopante, les habitations finissent par encercler les poulaillers ».

Besoin de zones dédiées et de financement

Abdoulaye Marone invite les autorités sénégalaises à s’inspirer du modèle américain que l’on mettait en exergue à l’école : en l’occurrence le « wheat belt », le « cotton belt », c’est-à-dire des zones de production de blé et de coton aux Etats-Unis d’Amérique, avec des hectares et des hectares réservés à des types de spéculations. Les poulaillers ont beau devancer les maisons sur un site, les populations viennent les y trouver et, par la suite, rouspètent et se plaignent du bruit ou de l’odeur des élevages de poulets. « Parfois, on est obligé d’offrir des poulets aux voisins pour calmer leur colère », révèle-t-il le sourire aux lèvres. En fin de compte, note-t-il, le service d’hygiène vient déplacer les poulaillers qui sont pourtant pionniers dans le secteur, malgré votre investissement sur le foncier depuis longtemps. L’argent étant le nerf de la guerre économique, les aviculteurs ont aussi de grosses attentes par rapport aux ressources financières. « Nous avons besoin de financement. Cependant, l’accès au financement est extrêmement difficile », conclut-il.

Joseph SENE

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