Revue Economique de l’Unaccois Jappo : Le Sénégal présenté comme un paradoxe économique

Première Revue Economique de l’Unaccois Jappo

Le Sénégal présenté comme un paradoxe économique

L’Union Nationale des Commerçants et Industriels du Sénégal (UNACOIS Jappo), a présenté  sa Revue Economique  de l’année 2018. Ainsi, lors de cette rencontre le Professeur Ahmadou Aly Mbaye de l’Université Cheikh Anta Diop, dans une présentation,  est revenu de manière détaillée sur la configuration économique du pays et les nombreux obstacles qui plombent  son développement.

Le retard connu par le Sénégal dans son décollage économique, malgré   des conditions favorables à l’émergence, constitue un véritable « paradoxe » pour le professeur Ahmadou Aly Mbaye. «  Très peu de pays qui ont connu ces conditions n’ont pas pu décoller. » estime-t-il. Parmi ces conditions, il énumère en autres : «  une bonne localisation géographique, une bonne intégration sociale et religieuse, une culture de paix et de tolérance assez répandue ». Des facteurs qui selon lui,  contrastent avec de faibles performances économiques caractérisées par « une croissance erratique, une économie faiblement diversifiée avec un faible niveau de complexité et une incidence de la pauvreté toujours plus élevée (touchant jusqu’à 2/3 de la population, moins de 5% de la population active évoluant dans  le secteur formel et disposant d’un salaire régulier) ». Concernant le manque d’emploi, il indique que c’est l’indicateur le plus net d’une « économie qui tombe ». Pour lui, le nombre de jeunes en âge de travailler est nettement supérieur à ce que le secteur formel peut enrôler. «  Si on estime que l’âge actif est de  15 ans, on trouve que chaque année, trois cent mille jeunes intègrent pour la première fois le marché du travail ; alors que le secteur informel ne peut en enrôler que cinquante mille, y compris des renouvellements au titre de contrat à durée déterminée (CDD). La conséquence est que l’emploi est à majorité informel et précaire » révèle-t-il, citant les chiffres du quotidien le Soleil.

Manque de neutralité de l’Etat dans le jeu de la concurrence

Ceci, selon le professeur d’économie, est dû principalement à la faiblesse du secteur privé qui est confronté  à de nombreux obstacles causés par  un climat des affaires défavorable accentué par des relations « tendues » avec l’Etat.  Il cite entre autres, des coûts de production très élevés, un niveau de taxation élevé,  et le manque de neutralité de l’Etat dans le  jeu de la concurrence. Pour ce dernier facteur, il donne l’exemple de la filière du sucre. « Quand le prix du sucre baisse jusqu’à un certain niveau, il y a un dispositif de protection spécial qui s’applique avec un prix de déclenchement. L’Etat  prend de l’argent des importateurs à travers des taxes élevées  pour subventionner un producteur (La Compagnie Sucrière Sénégalaise) ». Ceci de l’avis du professeur, montre que l’Etat prend part dans la concurrence. Et selon lui, la tendance est notée pour l’huile et la farine. Autant de facteurs qui le poussent à dire que «  l’Etat n’incite pas les Pme à se formaliser ».

Regrouper les PME pour asseoir une meilleure représentativité

Pour lever les contraintes liées à la question du financement, de l’accès aux marchés publics et le cadre réglementaire applicable aux Pme, il appelle à une redistribution des rôles entre l’Etat et le secteur privé. Pour lui, le regroupement des Pme en coopératives comme ce qui est noté dans le secteur agricole, est nécessaire. En effet, il cite  l’exemple des acteurs  de la filière rizicole qui se sont regroupés en unions de production avec des conseils d’administration et des unités de gestion. «  Ce qu’une Pme ne pouvait pas faire individuellement, une coopérative peut le faire. Grâce à ces coopératives, ces producteurs de riz ont pu constituer une force pour parler avec les bailleurs, la SAED et la  CNCA » explique-t-il.

Remise en question de la pertinence de certaines Agences

Réagissant à l’exposé du professeur Mbaye, le PCA de la Sonacos, Youssou DIALLO  a quant à lui, remis en question l’efficacité des structures pour l’accompagnement du secteur privé. « Je ne crois pas qu’il soit pertinent d’avoir des agences comme l’ADEPME  ou l’APDA. Regardez ces structures qui ont été créées. Quelles sont leurs performances, si ce n’est  de payer de gros salaires à des fonctionnaires, d’avoir des gros budgets ou de créer des conditions d’un endettement de l’Etat ? Regardez ce que ces structures représentent dans le budget de l’Etat » interpelle-t-il.  Il propose donc, de « retourner à la fondation du secteur privé ». Laquelle serait administrée  et gérée par les privés eux-mêmes. Il pose par ailleurs la question du réinvestissement qu’il considère comme essentiel. «  Regardez le secteur de l’horticulture. Plus de 80% du chiffre d’affaires dans l’horticulture est réalisé par moins de 3% des entreprises. Donc, il n’y a pas de réinvestissement. »

Sanou BADIANE

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