CONTRIBUTION : DE NOUVELLES IDEES POUR DE NOUVEAUX EMPLOIS
Le principe de décaisser des fonds pour créer des emplois est une initiative très louable et salutaire. Toutefois, il me semble que la résolution du problème de l’emploi est de loin plus complexe que le simple renforcement des moyens financiers. Nos efforts risquent une fois de plus, de se heurter au déficit d’originalité et au manque d’audace sur les mesures d’accompagnement. On peut certes échouer, lorsqu’on tente de faire les choses différemment. Cependant, on n’a pas le droit de reproduire les mêmes recettes, dès lors que le passé nous a démontré, qu’elles ne produiront pas les résultats que nous en attendons.
En matière de création d’emplois, il faut éviter 2 écueils : « L’empressement » dans l’action et la confiance aux « additions et multiplications ». Ces 2 écueils peuvent laisser croire que le problème est résolu alors qu’en réalité, il n’en est rien.
Ma conviction est que nous ne pourrons jamais parvenir à générer les quantités d’emplois nécessaires pour absorber le sureffectif du banc des chômeurs, si nous ne changeons pas nos logiciels de conception et d’exécution des politiques pour l’emploi. Sans certitude ni prétention, je voudrais contribuer à la réflexion en proposant 5 chantiers majeurs, qui selon ma modeste intelligence pourraient changer la donne :
- MODERNISATION DES ENSEIGNEMENTS : Il faudrait mettre en place une académie de certification professionnelle et entrepreneuriale destinée à tous les diplômés (formations professionnelles et universitaires de tout cycle). Cette certification ne comprendrait que 4 modules : (1) culture digitale, (2) logique entrepreneuriale, (3) comprendre le marché, et enfin (4) créativité et innovation.Que l’on soit mécanicien, médecin ou manager, on doit passer la certification correspondant à son niveau d’étude avant d’obtenir son diplôme. Cette certification serait un niveleur de compétence et permettrait ainsi d’avoir un résultat rapide à moindre coût, contrairement à l’option de réformer tous les enseignements pour y intégrer ces dimensions.
- MODERNISATION DE L’ECONOMIE :Il faut supprimer l’espace d’insatisfaction qui subsiste entre l’administration et les citoyens en mettant en place un mécanisme d’habilitation d’entrepreneurs privés qui, avec un cahier des charges précis, se chargeront de rendre un service irréprochable contre une rémunération justifiée, directement perçue auprès des usagers. L’administration conserverait toutes ses prérogatives mais externaliserait (tout ou partie) de ses interactions avec les usagers. Nous avons accepté les autoroutes à péage. Il est temps pour nous d’accepter « l’administration à péage ». Il faut aussi décloisonner les professions réglementées en créant des corps d’auxiliaires qui leur sont affiliés toujours avec l’objectif d’offrir une meilleure qualité de service et de nouvelles possibilités d’emplois.
- VOLONTARISME DANS L’ACTION PUBLIQUE :Les acteurs économiques nationaux se plaignent toujours du fait que la commande publique ne leur profite pas et qu’en conséquence elles ne pourront jamais avoir le volume d’affaires qui peut leur permettre de croître et de créer des emplois. L’Etat rétorque qu’il est de la responsabilité du secteur privé national de se mettre à niveau pour compétir sans faveur ni privilège. Il y a certes des lignes qui bougent mais rien de nature à entrainer un basculement. Entre les deux positions, il y a un volontarisme orphelin. L’efficacité de la commande publique servira difficilement de carburant à l’éclosion d’un secteur privé dynamique, tant que le financement de la politique ne sera pas codifié, encadré et surveillé. Les grandes entreprises privées ont réussi, pour la plupart, à positionner leurs achats essentiellement sur des critères de performance, avec bien entendu parfois, des pratiques de retours d’ascenseurs opaques entre entreprises de même nationalité.
L’Etat n’y arrive pas car il est tenaillé non seulement par des textes anesthésiants, mais aussi par des logiques irrationnelles « socialement acceptées » et « moralement dénoncées » (un de nos nombreux paradoxes). Le potentiel de création d’emplois s’en trouve lourdement affecté. Si l’Etat se libère des pressions politiques et de l’influence des intérêts solitaires, il pourra alors donner au secteur privé laborieux, les moyens de sa croissance avec à la clé des créations massives d’emplois. Ce n’est pas un débat politique, ce n’est pas un débat économique, c’est un débat de société.
- REDEFINITION DES LOGIQUES D’INTERVENTION :Un entrepreneur a besoin pour réussir d’un marché porteur, d’un environnement des affaires favorable et ensuite d’un financement adapté. Comprendre le marché est une chose, mais y avoir accès en est une autre. On ne peut réussir en entreprenariat que si on a des clients particuliers, des clients entreprises (ou organismes) et un client public (Etat et collectivités). Les « guerriers » gagnent leur vie avec les particuliers, les « courageux » avec les entreprises et les « privilégiés » avec l’Etat. Où se trouvent les réservoirs d’emplois ? difficile d’avoir une réponse tranchée car c’est selon moi une triangulation vertueuse entre ces 3 composantes, qui constitue la solution.
- ANIMATION DU CYCLE DES AFFAIRES :Les sommes extraordinaires qui servent directement la consommation sans nourrir au préalable un cycle d’activités génératrices de valeur ajoutée constituent à mon avis un gâchis. Si on considère la somme des transferts internationaux et domestiques et qu’on y ajoute la somme des dépenses affolantes lors des fêtes et évènements (kortié, tabaski, rentrées, noël,…) et que l’on couronne le tout avec les sommes englouties dans des chantiers inachevés (donc non productifs) … nous arrivons à des volumes astronomiques pour lesquels il y a forcément des effets leviers non valorisés. Après la Caisse des Dépôts, il faut inventer la « Caisse des Transferts » qui, en usant d’un effet levier, mobilisera des ressources pour financer l’industrialisation. Avec la ZLECAF, nous devons être un pays industriel.
Parmi toutes ces idées, il y en a peut-être une qui mérite attention et développement. C’est à ce moment qu’il faudra dire le COMMENT…..
Ibrahima Nour Eddine DIAGNE
Conseiller chez Conseil national du numérique du Sénégal