Pêche artisanale au Sénégal : Cayar, une longue tradition de gestion durable de la ressource
Les acteurs de la pêche artisanale à Cayar se sont inscrits très tôt dans une gestion durable des ressources halieutiques en mettant en place le Comité de pêche de Cayar (CPC) dans les années 1990. Pour les responsables du CLPA (Conseil local de la pêche artisanale), aujourd’hui, il faut que l’Etat du Sénégal veille au respect du Code de la pêche dans toutes les zones de pêche à l’échelle nationale, pour espérer entrevoir une meilleure allure de la pêche artisanale.
Ils ont compris très tôt que les ressources halieutiques avaient ses limites. En effet, avant la mise en place des CLPA dans les différentes localités de pêche au Sénégal, à Cayar, les acteurs de la pêche artisanale avaient déjà initié le Comité de pêche de Cayar (CPC) en 1994, informe Mor Mbengue, actuel Coordonnateur du CLPA de Cayar. Il confie que les anciens d’alors avaient fait le diagnostic selon lequel, la pression sur la ressource et les prix dérisoires de la commercialisation dans un contexte de dévaluation du Franc CFA, recommandaient une autre démarche. Dans les années 1990, il arrivait qu’une pirogue capture par jour 20 à 15 boîtes de poissons, et cette abondance faisait que la boîte se vendait à 750 FCFA, raconte Mor Mbengue. Ainsi, à l’époque le CPC avait pris la décision de limiter à 3 boîtes de 15 kg de poissons par pirogue, pour la pêche en mer, et cette mesure était respectée par tous les acteurs. Selon Mor Mbengue, cette directive à l’époque a fait que les mareyeurs ont décidé de boycotter la zone de Cayar et les responsables du CPC ont décidé de louer des camions frigorifiques pour prendre en charge la commercialisation des ressources halieutiques. Les mareyeurs sachant que si cette initiative continue de prospérer, ils vont perdre toute mainmise sur la vente de poissons dans la zone, ont appelé à des négociations pour revenir à de meilleurs sentiments, explique le Coordonnateur du CLPA de Cayar. Ainsi, à l’époque après discussions, les mareyeurs ont accepté de rehausser le prix de la boîte à 30.000 FCFA, contre les 750 FCFA qui étaient de mise avec la surabondance des ressources halieutiques. A l’époque aussi, il faut dire qu’à Cayar, durant la campagne de pêche (novembre à juin) les gens s’activaient en mer, et une fois l’hivernage arrivée, ils délaissaient la mer au profit du travail de la terre, renseigne Mor Mbengue.
CLPA de Cayar, un respect scrupuleux du Code de la pêche
Les CLPA dans les différents sites du Sénégal regroupent toutes les structures et autres associations de pêcheurs artisanaux qui exercent dans la pêche artisanale. Dans le cas de Cayar, le CLPA une fois mis sur pied a fait le diagnostic de la ressource et a veillé sur l’interdiction des filets mono-filaments et filets dormants, prohibés par le Code de la pêche, renseigne Mor Mbengue. Tous les pêcheurs artisanaux ne respectaient pas cette interdiction des filets mono-filaments, et le 12 juin 2005, il est arrivé un incident et 30 personnes ont été blessées, avec deux morts et 28 pêcheurs qui sont handicapés à vie, se désole Mor Mbengue. D’après lui, depuis cette date, les acteurs respectent scrupuleusement cette interdiction des filets mono-filaments, même si aujourd’hui, les risques sont toujours de mise, pour que la pratique reprenne, mais le CLPA veille au grain. Il informe que le comité de surveillance du CLPA de Cayar a pris en flagrant délit des pêcheurs venus de Fass Boye et Mborro, qui ont par la suite attaqué la vedette de surveillance. Les responsables du CLPA de Cayar ont informé les autorités du ministère de la Pêche et de l’Economie maritime sur cette forfaiture, mais jusqu’à présent aucune sanction ou mesure n’a été prise, regrette Mor Mbengue.
Par ailleurs, il indique qu’aujourd’hui, si le CLPA constate une abondance de prises de poissons à Cayar sur la pêche du jour, il peut décider de facto, d’interdire la sortie en mer, le lendemain et tous les acteurs le respectent. Cette démarche est une option de préserver la ressource et de permettre aussi une commercialisation conséquente des prises des pêcheurs, soutient Mor Mbengue. Mieux il souligne que le CLPA de Cayar a élaboré une convention qui organise l’activité de pêche dans la contrée, que tous les acteurs se doivent d’appliquer. De l’avis du Coordonnateur du CLPA de Cayar, dans la situation de la pêche au Sénégal, beaucoup de gens indexent les pêcheurs artisanaux, mais il faut dire que ce ne sont pas tous les acteurs qui sont fautifs, car à Cayar, le CLPA a mis en place des règles pour une pêche responsable. Parmi celles-ci, il faut relever le fait qu’à Cayar, on n’autorise que la pêche du jour, une pirogue ne peut pas rester plus de 24 heures dans les eaux, précise Mor Mbengue. Ceci participe de la bonne gestion des ressources halieutiques et de la sécurité des pêcheurs. Même les femmes transformatrices de poissons, qui sont membres du CLPA, ont adhéré à la mesure de ne pas utiliser de matières premières issues de techniques de pêche illicites, fait remarquer le Coordonnateur du CLPA de Cayar. Il déclare sur un autre registre, les usines de pêche (07 au total) asiatique, russe et espagnole, qui se sont installées à Cayar, constituent certes une pression sur la ressource, mais il faut dire, qu’elles participent à donner plus de valeurs ajoutées sur certaines espèces comme la ceinture.
EL Hadji Sady NDIAYE