Pour la relance économique : Construire, à partir de l’informel, un secteur privé performant
Au Sénégal, on note une prédominance de l’économie informelle. Une situation qui nécessite une transformation structurelle. Dans ce sens, l’économiste El Hadj Mounirou Ndiaye, enseignant-chercheur à l’Université de Thiès suggère de construire, à partir du secteur informel, un secteur privé sénégalais performant. La migration des acteurs de l’économie informelle vers le secteur formel doit, par conséquent, figurer en bonne place dans les politiques de relance économique.
L’économie sénégalaise est largement informelle. Il y a des chiffres qui parlent de 60 à 65 % de la part de l’informel dans cette économie, constate El Hadj Mounirou Ndiaye, enseignant-chercheur à l’Université de Thiès. Les chiffres parlent également de 95 % d’emplois portés par l’informel. « Vous voyez que c’est un secteur qui est prééminent dans l’économie au Sénégal. Le secteur informel doit être la cible principale des stratégies de résilience », insiste le chercheur associé à l’Initiative Prospective Agricole et Rurale (IPAR). D’ailleurs, les besoins financiers, c’est-à-dire les 1.000 milliards de francs FCA du Fonds Force-COVID-19, ont été tirés par un caractère assez profondément informel de l’économie sénégalaise, commente-t-il.
Créations de valeur ajoutée par le secteur informel
Pour El Hadj Mounirou Ndiaye, il faut aujourd’hui se focaliser sur ce secteur. L’économiste ajoute qu’il y a d’autres chiffres qui font état de 42 % des créations de valeur ajoutée par le secteur informel. « Ce sont des chiffres que j’ai pris de l’ADEPME (Agence de Développement et d’Encadrement des Petites et Moyennes Entreprises) et ils sont réalistes », certifie-t-il. D’après son analyse, il y a donc une marge de 58 % de valeur ajoutée qui est inscrite au crédit de l’économie formelle, alors que dans cette économie, 30 % des créations de valeur ajoutée sont le fait des entreprises européennes au Sénégal. « Si vous y ajoutez la part des Chinois, celle des Turcs, des Indiens, des Marocains, des Américains et la part de tous ces intérêts étrangers, vous vous rendez compte que l’économie formelle est en grande partie occupée par les multinationales ».
La formalisation, un atout important
La conséquence est que chaque année, on dit que la croissance n’est pas inclusive. Elle ne l’est pas parce qu’une grande partie des valeurs ajoutées est le fait des multinationales. Il s’agit donc de l’argent qui n’appartient pas au Sénégal, affirme l’économiste. Pour El Hadj Mounirou Ndiaye, ce qu’il faut aujourd’hui, c’est de construire, à partir du secteur informel, un secteur privé sénégalais performant. Lorsqu’on parle de formalisation du secteur informel, mentionne-t-il, les gens peuvent penser que cela peut fragiliser les entreprises. « Les entreprises informelles sont récalcitrantes, mais elles doivent plutôt adhérer à la formalisation, parce qu’elle peut être un atout important, par exemple, en termes de marchés publics ».
Joseph SENE