Encourager l’entrepreneuriat féminin pour une économie verte inclusive : Les femmes face aux défis et opportunités de l’entrepreneuriat vert

L’entrepreneuriat féminin dans les secteurs verts représente un levier stratégique pour le développement durable, mais il demeure confronté à de nombreux défis. Difficultés d’accès au financement, manque de compétences spécialisées, absence d’incitations fiscales adaptées… autant d’obstacles qui freinent l’inclusion des femmes dans ces domaines à forte valeur ajoutée. Madame Dieynaba DIEYE, Expert Fiscal Agréé de l’Ordre National des Experts du Sénégal (ONES) et Directrice Associée du Cabinet AUDIFISC, partage son analyse des principaux défis et des facteurs de succès lors du Forum de la PME organisé par l’ADEPME. Elle met en lumière les dispositifs fiscaux existants, les politiques publiques nécessaires et les types d’accompagnement les plus adaptés pour renforcer la participation des femmes dans l’économie verte.
L’entrepreneuriat féminin dans les secteurs verts se heurte d’abord et avant tout aux obstacles rencontrés par toute femme entrepreneure qui décide de prendre le risque de mobiliser et de gérer des ressources humaines et matérielles pour créer, développer et implanter une entreprise.

Le présent article n’évoquera que les contraintes communes les plus significatives à savoir :
1-Les difficultés d’accès au financement (Banque et systèmes financiers décentralisés)
2- Les difficultés liées à la méconnaissance de la règlementation
3- Le coût élevé des impôts et taxes
4- Les difficultés liées à la production (manque de clientèle pour écouler les produits, insuffisance de matériel et de personnels qualifiés, coût élevé de la main d’œuvre, difficultés d’approvisionnement en matières premières)
5- L’insuffisance des réseaux de mentorat dédié aux femmes entrepreneures

En particulier, dans les secteurs verts à haute valeur ajoutée tels que la construction durable, les transports, les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, la gestion des déchets, le principal frein à l’inclusion des femmes entrepreneures reste le déficit d’innovation et de compétences spécialisées, la lourdeur des investissements, le manque d’opportunités vertes et d’accompagnement technique, etc. Ces secteurs clés restent encore dominés par les hommes.
Dans le secteur de l’agriculture, l’accès au foncier demeure le principal frein qui empêche l’inclusion des femmes dans l’économie verte. Et pourtant, au titre de l’année 2017, elles ont contribué, en termes de valeur ajoutée, à 458, 4milliards, soit 27,3% de la richesse du secteur agricole informel au sens large. L’essentiel de cette richesse (90,8%) est concentré dans les sous-secteurs de l’agriculture et de l’élevage selon le rapport de l’ANSD sur la contribution de l’entrepreneuriat et du leadership féminins à la valeur ajoutée de l’économie sénégalaise publié en août 2022.
Les politiques publiques et incitations fiscales pouvant favoriser l’inclusion des femmes dans l’économie verte
L’économie verte recouvre tout un ensemble d’activités économiques qui œuvrent pour un développement durable tout en préservant l’environnement. On pourrait dire que l’économie verte recherche un équilibre entre le développement économique, la protection de l’environnement et le bien-être à long terme de la société grâce à l’utilisation de technologies propres et de pratiques durables.
Il est nécessaire de préciser d’emblée qu’il n’existe pas de mesures fiscales édictées pour favoriser l’inclusion des femmes dans l’économie verte.
En effet, le Code général des Impôts (CGI) régit les activités des contribuables, agents économiques, hommes ou femmes, sans discrimination, et accorde des avantages fiscaux aux entrepreneurs uniquement en considération des biens ou des secteurs dans lesquels ils investissent :
Première mesure fiscale incitative : Si vous êtes une femme et que vous souhaitez entreprendre dans le secteur des énergies renouvelables, vous bénéficiez de réductions d’impôt prévues par les dispositions de l’article 253 bis du CGI.
Ainsi, les entreprises fabricant localement et exclusivement des biens destinés à la production d’énergies renouvelables tels listés par arrêté interministériel ainsi que les entreprises de production de telles énergies sont autorisées à déduire 30% de leur bénéfice imposable pour le calcul de l’Impôt sur les sociétés dont elles sont redevables.
La liste des matériels destinés à la production d’énergie solaire concernés est listée par l’arrêté interministériel n° 010158 du 28 mai 2020 comme suit :
– panneau solaire photovoltaïque ; – capteur ou panneau solaire thermique ;
– onduleur photovoltaïque ; – batterie solaire au plomb (OPzS, OPzV), au Lithium-ion ou Li-ion et au nickel-hydrure métallique ou NIMH ;
– kit de chauffe-eau solaire comprenant capteur thermique solaire, échangeur thermique et réservoir ;
– régulateur de charge ;
– kit de lampe solaire ;
– lampadaire solaire comprenant panneau solaire, batterie contrôleur et lanterne ;
– kit de pompage solaire comprenant panneau solaire, contrôleur et pompe.
Au sens de l’arrêté susvisé, la liste des matériels destinés à la production d’énergie éolienne concernés est fixée ainsi qu’il suit :
– tour ; – pale ; – rotor ; – nacelle ; – moyeu.
Pour bénéficier de la réduction prévue, les entreprises concernées sont tenues de justifier que la totalité de leur chiffre d’affaires provient de la production et de la vente de biens destinés à la production d’énergies renouvelables ou de la production de telles énergies.
Deuxième mesure fiscale incitative : Si vous êtes une femme et que vous souhaitez entreprendre dans les secteurs du transport durable, de la gestion des déchets ou dans tout autre secteur où votre entreprise acquiert des matériels et outillages neufs destinés à préserver l’environnement, ladite entreprise a la possibilité, en application de l’article 10 du CGI, de pratiquer un amortissement accéléré desdits matériels et outillages neufs remplissant, à la fois, la double condition :
a) d’être utilisés exclusivement pour les opérations industrielles de fabrication, de manutention, de transport, de tourisme, de pêche, d’élevage et d’exploitation agricole, ou de remplir une fonction anti-polluante, sous réserve dans ce dernier cas, que l’équipement ait été agréé par le département ministériel compétent ;
b) d’être normalement utilisables pendant au moins cinq ans
Troisième mesure fiscale incitative : Si vous êtes une femme entrepreneure et que vous souhaitez investir dans le domaine de l’utilisation de l’énergie solaire ou éolienne, vous bénéficiez de réductions d’impôt lors de la détermination de votre impôt sur le revenu
Ainsi, en application des dispositions de l’article 241 du CGI, les personnes physiques redevables de l’impôt sur le revenu à raison de leurs bénéfices industriels et commerciaux, de leurs bénéfices agricoles ou de leurs bénéfices des professions non commerciales, et qui effectuent des investissements au Sénégal dans des installations ayant pour objet de mettre en œuvre l’énergie solaire ou éolienne, notamment chauffe-eau, stations de pompage, générateurs électriques et récepteurs associés, peuvent bénéficier, sur leur demande et dans des conditions définies, d’une réduction sur le montant dudit impôt dont elles sont redevables.
Le montant de la réduction d’impôt sur le revenu à laquelle peuvent prétendre les personnes physiques susvisées, est égal à 30 % du montant des sommes réellement payées au titre des investissements admis.
Toutefois, la réduction accordée au titre de l’imposition d’une année déterminée, est limitée à 25 % du montant de l’impôt établi sur le revenu de l’année précédente.
Si en raison de cette limitation, il subsiste un reliquat déductible de l’imposition d’une année déterminée, ce reliquat peut être reporté sur les années ultérieures.
Les entreprises qui reçoivent de l’Etat des subventions d’équipement destinées au financement d’investissements dans le domaine de l’utilisation de l’énergie solaire ou éolienne, ne peuvent pas bénéficier de la réduction d’impôt précitée.
Même dans le cas où la femme entrepreneure ne dispose ni de bénéfices industriels et commerciaux, ni de bénéfices agricoles ni de bénéfices de professions commerciales (elle est titulaire de revenus fonciers ou de revenus de capitaux mobiliers), elle peut bénéficier, en vertu de l’article 246 du CGI, de réductions d’impôts pour investissements dans les conditions précitées.
Quatrième mesure fiscale incitative : toute femme entrepreneure bénéficie de la réduction d’impôts pour charge de famille en vertu des dispositions de l’article 174 du Code Général des Impôts
En matière d’impôt sur le revenu, il convient de relever que la femme entrepreneure, personne physique, ou personne morale ayant opté pour l’impôt sur le revenu des personnes physiques, bénéfice de la parité fiscale.
Le CGI écarte le recours à la notion juridique de la puissance paternelle et accorde la parité fiscale à la femme salariée et/ou femme entrepreneure qui ont, désormais, la possibilité de prendre à leur charge, lors la détermination de leur impôt sur le revenu, le conjoint non salarié et les enfants à charge au même titre qu’un époux salarié ou entrepreneur marié le ferait.
Cette prise en charge du conjoint non salarié et des enfants à charge affecte le calcul du nombre de parts de la femme entrepreneure et le montant de la réduction d’impôt pour charge de famille, participant ainsi à une diminution de la cotisation fiscale exigible.
Cinquième mesure fiscale incitative : La femme entrepreneure souhaitant créer une entreprise dans le domaine des énergies renouvelables, peut, en application des dispositions de l’article 361 du CGI, voir son entreprise bénéficier d’exonérations en matière de TVA pour les livraisons de matériels destinés à la production d’énergies renouvelables dont la liste est fixée par arrêté conjoint du Ministre chargé des énergies renouvelables et du Ministre en charge des Finances.
Les types d’accompagnement sont les plus adaptés aux besoins des femmes entrepreneures.

Trois (3) types d’accompagnement sont principalement attendus :

3-1 Un accompagnement d’ordre financier
Pour faire face aux difficultés d’accès au crédit, il serait pertinent de travailler à la mise en place par l’Etat du Sénégal d’une Banque publique dédiée aux femmes entrepreneures, ou d’un Fonds d’investissement vert 100% féminin. Des prêts, subventions ou aides financières pourront ainsi être versées aux femmes entrepreneurs démarrant une activité dans des secteurs clés tels que l’agriculture, l’élevage, la pêche, les secteurs verts (la gestion des déchets, l’écotourisme, les énergies renouvelables, l’exploitation forestière).
Il serait également judicieux de renforcer l’accompagnement des femmes entrepreneures en vue de leur formalisation. En effet, le financement des femmes entrepreneures auprès des banques et des systèmes financiers requiert préalablement leur enregistrement et la présentation d’un minimum de documents légaux et comptables (registre de commerce, NINEA, statuts, Etats financiers certifiés).

3-2 Un accompagnement d’ordre légal
Il serait aussi indiqué de réduire la méconnaissance de la réglementation qui constitue le deuxième frein au développement de la PME/PMI. L’accompagnement des femmes entrepreneures en services conseil et d’assistance dans les domaines de la gestion (juridique, RH, comptabilité, fiscalité) est gage de la pérennisation du niveau de connaissances juridiques requises. En effet, lors du démarrage de son activité, la femme entrepreneure est souvent confrontée à l’accomplissement de formalités administratives qui nécessite l’appui d’un expert.

3-3 Un réseautage territorial fort des femmes entrepreneures
Les femmes entrepreneures peuvent compter sur le soutien de plusieurs programmes internationaux, dont les programmes IYBA WE4A et IYBA SEED. Le Programme IYBA WE4A est co-financé par l’Union Européenne, l’Organisation des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) et le Ministère fédéral allemand de la Coopération économique du Développement et mise en œuvre par GIZ.
Le Programme IYBA WE4A accompagne les femmes entrepreneures souhaitant investir dans les domaines suivants.
Les énergies renouvelables
L’agriculture (et la transformation agricole)
La biomasse
La gestion des déchets
L’écotourisme
L’écoconstruction & le transport

Pour être éligible au programme WE4A, il faudrait réunir l’un des critères suivants :

Être une femme en phase d›idéation (projection pour l›entrepreneuriat)
Être une entreprise dirigée majoritairement par des femmes
Être une entreprise détenue par une Femme
Être membre d’une société dont l›actionnariat est majoritairement détenu par les femmes

Quant au Programme IYBA SEED, mis en œuvre par ENABEL et Expertise France, il vise à développer des écosystèmes entrepreneuriaux, en mettant l’accent sur les femmes et les jeunes.

A côté de ces organisations internationales, il est également important de fédérer, au niveau national, toutes les initiatives publiques et privées à partir d’une approche territoriale et inclusive de tous les acteurs qui œuvrent pour la promotion de l’entreprenariat féminin.

 

Madame Dieynaba DIEYE, Expert Fiscal Agréé ONES,
Directrice Associée du Cabinet d’Audit et d’Expertise Juridique et Fiscale (AUDIFISC)
Email : dieynabadieye@audi-fisc.com

Papa Code NDOYE

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